Célébrations et rituelsLa RevueNépal

Népal-en-Vincennes et l’enfant-déesse Kumari

Par Pepe Pastor et Frida Calderón

Dans la vallée de Katmandou, se trouve la ville de Patan. C’est dans l’un des palais de la ville que se dresse magnifique, la Porte Dorée. Dans ce palais, le Ranatkar Mahavihar, habite l’enfant-déesse: la Kumari de Patan. En France, pour connaître la Kumari de Paris il faut également traverser une porte dorée. Difficile de savoir s’il s’agît là seulement d’une coïncidence ou bien d’un geste précis accompli par la toute-puissante déesse hindoue Taleju (Dourga pour les non népalais). Cette déité incarne, pendant un laps de temps, le corps de certaines fillettes népalaises.

A Paris, le voyageur du métro peut descendre à la station Porte Dorée pour regagner rapidement le Bois de Vincennes et afin d’emprunter le chemin de la Grande Pagode du Bois. C’est là, aux bords du Lac Daumesnil, que se déroule vers la fin du printemps, un festival organisé par la Maison Culturelle du Népal, où tous les ans la Kumari parisienne se montre au public.

Au Népal, il y a plusieurs kumaris. La plupart du temps, comme à Paris, ces kumaris se manifestent un seul jour. Au contraire, les deux kumaris les plus sacrées, celles de Katmandu et de Patan sont les Kumaris Royales et se manifestent pendant toute une période de la vie des fillettes népalaises. Celles-ci sont choisies à l’âge de trois ans parmi les Newars -autochtones de la vallée de Katmandou, dont une majorité pratique à la fois hindouisme et bouddhisme-. La kumari est d’ailleurs un des éléments syncrétiques de cette double pratique. Lorsque l’enfant-déesse arrive à la puberté, la déesse Taleju s’incarne dans une autre petite fille et quitte le corps de la jeune fille. Pour pouvoir être sélectionnée, la kumari doit remplir trente-deux critères, dont certains sont à la portée de beaucoup : « avoir les yeux noirs », mais d’autres un peu moins : « avoir le corps en forme de feuille de saptacchata ».

Ce jour-là, en 2014, nous ne connaissions pas ce qu’était une kumari, ni ce qu’était une feuille de saptacchata. En réalité, nous ne savions pas grand-chose sur les népalais. La force magnétique de la curiosité -ou peut-être la volonté de la déesse Taleju- nous a saisi et nous a entraîné vers la sortie du métro, laissant de côté les imposants bas-reliefs du Palais de la Porte Dorée nous nous sommes enfoncé dans la pénombre du Bois de Vincennes. Les familles profitaient des deniers jours de la Foire du Trône, les flâneurs se laissaient guider par les premières chaleurs de juin et se reposaient sur les rives du Lac Daumesnil. Tout ce monde-là ignorait que seulement à quelques centaines de mètres, autour de la Grande Pagode, les népalais franciliens célébraient leur culture. La Maison Culturelle du Népal organisait son 11e Festival.

Dans l’enceinte du temple, qui abrite le plus grand Bouddha d’Europe, on avait installé une scène, une reproduction en miniature du stûpa de Bodnath, et un marché népalais où on pouvait déguster de la bonne cuisine traditionnelle, découvrir l’artisanat himalayen, ou visiter les stands des associations partenaires, comme Les Amis de Laprak, la Maison du Tibet et bien sûr, la Maison Culturelle du Népal. Sur la scène, Hemant Upadhay, le président de l’association organisatrice, présentait différentes danses traditionnelles et le concert du groupe Kutumba. L’ambiance montait, on mangeait bien, la musique sonnait, les gens entraient et sortaient de l’intérieur de la pagode, où il y avait une exposition, des conférences ; on se sentait proches de l’Himalaya et on savait davantage sur les népalais, mais ce n’était pas tout.

L’un des avantages du voyageur fainéant est d’avoir la certitude qu’une surprise peut arriver à n’importe quel moment. Nous nous étions rendus au festival sans lire un mot du programme, ainsi, quand les haut-parleurs annoncèrent un défilé, une déesse, un enfant, les deux en même temps, nous ne comprîmes pas tout de suite. Soudain, un groupe de personnes portant une chaise couverte par une toile rouge avançait vers nous. Sur la chaise une fillette habillée en costume traditionnel était assise. La nouvelle kumari parisienne était coiffée d’une couronne dorée et son front était maquillé de rouge. Le défilé s’arrêtât. La petite pleurait. Son père, sa mère, sa tante, même le président de l’association, essayaient de la consoler. À ce moment, sorti de nulle part, un étrange personnage apparut. Un homme avec un masque terrifiant dansait pour ouvrir le défilé. Il était habillé d’une chemise et une longue jupe rouge. Sur sa chemise, deux triangles entrelacés formaient une étoile avec le drapeau du Népal à l’intérieur. Mais, ce masque, qui était-il ? un monstre ? La kumari pleurait-elle à cause de lui ?

C’était le Majipa Lakhey. Un démon qui ressemble à Bhairava, l’une des formes féroces de Shiva. Nous ne savons pas si la petite kumari était horrifiée de le voir danser face à elle et pleurait à cause de lui. Peut-être avait-elle simplement oublié les conseils de sa mère ou de son père à propos du Majipa Lakhey : « Ne t’inquiètes pas, celui-ci n’est pas un démon comme les autres, il est le protecteur des enfants, ma fille ».

Le défilé recommença. Nous étions encore sous les effets de l’euphorie qui provoquent les belles surprises. Nous enregistrâmes des images sans poser de questions. Nous laissâmes passer les personnages de la cérémonie sans essayer de comprendre. En ce moment, nous ne savions pas qui était la Kumari, le Majipa Lakney, Bjairava. Nous n’imaginions pas que nous assistions à la reproduction du plus grand festival qui se tient à Katmandou, l’Indra Jatra, dont le Kumari Jatra fait partie.

L’une des obligations de tout digne voyageur est celle de s’informer avant, pendant ou après le voyage. Nous l’avons fait après. Mais pourquoi la déesse Taleju se cache-t-elle dans le corps des enfants népalaises ? Si vous avez envie de le découvrir, le voyage commence pour vous !

Pour en savoir plus :

https://www.youtube.com/watch?v=8Pfa-0Yddn8

https://www.youtube.com/watch?v=n0Udqd6It3s

http://kathmandupost.ekantipur.com/news/2016-09-15/indrajatra-being-observed-today.html

ou même Wikipedia !!

No Comment

Laisser un Commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *